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2004-04-29

Prière pour les vocations 

Dieu notre Père
toi le Maître de la moisson,
au fil des ans et de l'histoire,
tu as toujours donné à ton Église
les ministres et les personnes de vie
consacrée dont elle avait besoin
pour vivre en conformité
avec l'Évangile.

Vois la difficulté que nous avons à encourager des jeunes
à répondre à cet appel
et à soutenir concrètement leur cheminement.
Donne-nous de l'audace pour interpeller,
de l'énergie pour épauler,
de la patience pour accompagner.

Fais croître en nous la conviction que l'Église
ne peut poursuivre efficacement sa mission
qu'avec des pasteurs dévoués qui la guident,
et des témoins qui l'inspirent.

À ton tour, réponds à notre appel.
Fais naître et grandir le désir de servir.
Par ton Fils Jésus, notre Seigneur et notre Dieu
qui règne avec toi, dans l'unité du Saint-Esprit
maintenant et pour l'éternité des siècles.
Amen.

Notre-Dame de Ville Marie,
Priez pour nous.



2004-04-28

Prière pour la paix du Centre Oecuménique 

Cette prière est tirée d'un culte du lundi matin au Centre oecuménique. Merci à mme Louise Royer pour cette prière.

Seigneur,
tu aimes la justice et tu étalis la paix sur la terre.
Nous te présentons la désunion du monde actuel,
la violence absurde et toutes les guerres
qui brisent le courage des peuples du monde,
l'avidité et l'injustices humaines
qui sont source de haine et de conflits.
Envoie ton Esprit et renouvelle la face de la terre;
apprends-nous à être compatissants envers toute la famille humaine;
affermis la volonté de tous ceux et celles
qui luttent pour la justice et la paix,
et donne-nous cette paix que le monde ne peut pas nous donner.

Amen



2004-04-27

Prière de l’Angelus 



Temps ordinaire :

- L’ange du Seigneur apporta l’annonce à Marie
R./ Et elle conçut du Saint Esprit.
" Je vous salue Marie...


- Voici la Servante du Seigneur
R./ Qu’il me soit fait selon votre parole.
" Je vous salue Marie...


- Et le Verbe s’est fait chair
R./ Et il a habité parmi nous.
" Je vous salue Marie...


Priez pour nous, sainte Mère de Dieu
R./ Afin que nous devenions dignes des promesses du Christ.

Prions

Que ta grâce, Seigneur notre Père, se répande en nos cœurs. Par le message de l’ange, tu nous as fait connaître, l’incarnation de ton Fils bien-aimé. Conduis-nous, par sa passion et par sa croix, jusqu’à la gloire de la résurrection. Par Jésus, le Christ, notre Seigneur.

R./ Amen.

**********************************************************************

Temps pascal :

Regina coeli, laetare, alleluia
Quia, quem meruisti portare, alleluia
Resurrexit, sicut dixit, alleluia
Ora pro nobis Deum, alleluia.

Reine du Ciel, réjouis-toi, alleluia
Celui que tu as mérité de porter, alleluia
Est ressuscité comme il l’a dit, alleluia
Prie Dieu pour nous, alleluia

Sois heureuse et réjouis-toi, Vierge Marie, alleluia
R./ Car le Seigneur est vraiment ressuscité, alleluia

Prions

Dieu, qui as donné la joie au monde en ressuscitant Jésus, ton Fils, accorde-nous par sa mère, la Vierge Marie, de parvenir au bonheur de la vie éternelle. Par Jésus, le Christ, notre Seigneur.

R./ Amen.




Prière de Saint-François d'Assise 

O Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix,
Là où est la haine, que je mette l'amour.
Là où est l'offense, que je mette le pardon.
Là où est la discorde, que je mette l'union.
Là où est le doute, que je mette la foi.
Là où est l'erreur, que je mette la vérité.
Là où est le désespoir, que je mette l'espérance.
Là où est la tristesse, que je mette la joie.
Là où sont les ténèbres, que je mette la lumière.

O Maître, que je ne cherche pas tant
à être consolé qu'à consoler,
à être compris qu'à comprendre,
à être aimé qu'à aimer.

Puisque :
c'est en se donnant qu'on reçoit,
c'est en s'oubliant qu'on se retrouve,
c'est en pardonnant qu'on est pardonné,
c'est en mourant qu'on ressuscite à l'éternelle vie."

Amen



2004-04-22

Prière de Charles de Foucault  

Mon Père,

Je m'abandonne à vous,

Faites de moi ce qu'il vous plaira.

Quoi que vous fassiez de moi, je vous remercie,

Je suis prêt à tout, j'accepte tout,

Pourvu que votre volonté se fasse en moi et en toutes vos créatures…

Je ne désire rien d'autre, mon Dieu.

Je remets mon âme entre vos mains,

Je vous la donne, mon Dieu,

Avec tout l'amour de mon cœur, parce que je vous aime,

Et ce m'est un besoin d'amour de me donner,

De me remettre entre vos mains sans mesure,

Avec une infinie confiance,

Car vous êtes mon Père.



2004-04-08

Se réconcilier avec son Temps 

Conférence par l'abbé Gilles Routhier dans le cadre de conférences dans notre Unité pastorale.

Il y a de cela plus de quarante ans maintenant, Jean XXIII utilisait une expression qui était promise à un grand avenir : il parlait des "signes des temps"" Il avait l'intuition vive du fait que, en régime chrétien, c'est dans le temps que Dieu viens à notre rencontre. Il s'agit là en effet d'un trait qui, sans être spécifiquement chrétien - les juifs ont avec nous en commun cette conviction, au moins en partie- n'en demeure pas moins caractéristique de la tradition chrétienne : l'Éternel est entré dans le temps. De ce fait, l'histoire a, pour les chrétiens, une densité particulière. Elle peut être le lieu de la visite de Dieu, le lieu de sa rencontre paradoxale, même si, nous le verrons, le rapport des chrétiens à leur temps n'est pas si simple qu'il en a l'air.

Quelques années plus tard, le Concile Vatican II allait, plus que tous les conciles précédents, réfléchir à la condition de l'Église dans le temps présent ou dans le monde d'aujourd'hui. Peu de Concile en effet n'ont autant parlé du temps présent que le Concile Vatican II. Est-ce à dire que l'Église avait besoin de se réconcilier avec son temps ? C'est du moins ce que l'on pensait, allant même jusqu'à croire que, depuis la Révolution française, l'Église, liée à l'ordre ancien, était demeurée en décalage par rapport à son temps, ce qui avait conduit à sa marginalisation.

Ce désir de se réconcilier avec son temps avait alors conduit l'Église à "s'adapter", suivant le langage même du Concile, et ce soucis d'adaptation semblait décidément en phase avec l'esprit du temps où l'on tournait résolument le dos au passé, happé par le désir de tourner la page et de faire du neuf. Il fallait bien, avec toute la société, sortir de la "grande noirceur" à laquelle on identifiait le temps passé. "Il faut que ça change" n'a pas été un slogan politique. Toute la société a participé à cette griserie et , l'Église qui ne vit pas en dehors de la culture dans laquelle elle s'inscrit, n'y a pas échappé. On a cru pour vrai qu'il s'agissait du "début d'un temps nouveau" et que nous allions refaire le monde, réussir là où nos prédécesseurs avaient échoué.

Toutefois, cette "réconciliation de l'Église avec son temps", si c'est de cela qu'il s'agit et s'il fallait adopter cette manière un peu ambiguë de concevoir l'habitation du temps par les chrétiens, ne semble pas aujourd'hui complète et cela, à plusieurs égards.

Une Église mal à l'aise dans le temps présent

Il n'est pas sans intérêt, avant d'aller plus loin, de revoir un passage du discours inaugural au Concile que livrait Jean XXIII aux Pères conciliaires le 11 octobre 1962 et qui comportait tout un développement sur le malaise que pouvait ressentir l'Église avec son temps :

" Il arrive souvent que dans l'exercice quotidien de notre ministère apostolique, nos oreilles soient offensées en apprenant ce que disent certains qui, bien qu'enflammés de zèle religieux, manquent de justesse de jugement et de pondération dans leur façon de voir les choses. Dans la situation actuelle de la société, ils ne voient que ruines et calamités; ils ont coutume de dire que notre époque a profondément empiré par rapport aux siècles passés; ils se conduisent comme si l'histoire, qui est maîtresse de vie, n'avait rien à leur apprendre et comme si du temps des Conciles d'autrefois tout était parfait en ce qui concerne la doctrine chrétienne, les moeurs et la juste liberté de l'Église . Il nous semble nécessaire de dire notre complet désaccord avec ces prophètes de malheur, qui annoncent toujours des catastrophes, comme si le monde était à sa fin. Dans le cours actuel des événements, alors que la société humaine semble à un tournant, il vaut mieux reconnaître les desseins mystérieux de la Providence divine qui, à travers la succession des temps et les travaux des hommes, la plupart du temps l'Église, même les événements contraires."

Ce malaise (d'être en son temps) est encore celui de l'Église. Il nous arrive de penser qu'autrefois "tout était parfait en ce qui concerne la doctrine chrétienne, les moeurs et la juste liberté de l'Église". Autrefois, l'Église n'était pas en butte à l'indifférence - si cela n'était que cela - dont elle fait aujourd'hui l'objet. Autrefois, elle était respectée, encensée, adulée. Pour tout dire, elle était socialement attestée. Sa parole était écoutée et elle avait naturellement sa place dans l'espace public. Jamais sur les ondes, elle n'était tournée en dérision. Tout cela semble à jamais du passé et l'Église se trouve marginalisée, raillée, déshonorée. Cela nous fait mal, tant et aussi bien que nous ne voyons plus les possibilités offertes par le temps présent et nous n'acceptons pas toujours joyeusement de vivre à notre époque. Plutôt que d'habiter sereinement notre temps, nous sommes comme ces exilés, tournés vers le passé, digérant mal la perte que nous avons à subir, développant une conscience de soi comme des victimes ou en proie à un processus de victimisation, s'interdisant d'envisager l'avenir - mais en entrevoyant plutôt la mort - croyant à peine que Dieu peut nous donner un avenir, faire refleurir le désert, ouvrir une voie dans cette terre sauvage.

Je ne crois pas que nous soyons nombreux aujourd'hui à regretter l'Église préconcilaire. Toutefois, lorsque nous regardons le présent, nous ne sommes pas loin d'avoir un peu la certaine opulence : abondance de fidèles, de biens, de ressources. En somme, comme on serait heureux si l'on pouvait avoir aujourd'hui à la fois la prospérité d'antan et les bénéfices acquis par l'aggiornamento conciliaire.

Je vous propose, en ce temps de crise, de relire le texte de Jonas.

Accepter joyeusement de vivre à notre époque

"La parole du Seigneur fut adressée à Jonas, fils d'Amittaï : Lève-toi, lui dit-il, va à Ninive, la grande ville, et annonce-leur que leur méchanceté est monté jusqu'à moi. Jonas se mit en route pour fuir Tarsis, loin de Yahvé."

Jonas est en présence d'un défi de taille : Proclamer à Ninive une parole de conversion. Mission impossible a-t-il pensé, lui aussi. Le défi ne dépasse pas simplement ses propres forces, il s'agissait, à proprement parler, d'une tâche impossible. Rien à espérer des Ninivites. Rien à faire de ce côté. Tout était d'avance perdu. Inutile d'entreprendre. Reste une solution : fuir dans une autre direction (démissionner), comme ont tenté de le faire bien des prophètes, ne pas affrontere le défi du temps présent.

Montréal n'est sans doute pas Ninive. Cependant, au vu de la situation de notre Église dans la société actuelle, nous trouvons souvent la pilule amère et considérons que les temps sont durs. "Se réconcilier avec son temps" signifie sans doute, pour l'Église du Québec, accepter de vivre cette période, éprouvante à certains égards et qui, comme tout temps d'épreuve, représente un test pour notre foi et notre espérance. Il s'agit , en somme d'apprendre à compter sur Dieu et pas sur nos propres moyens car, finalement, nous n'avons pas mis notre espoir dans toutes ces façades qui n'en finissent pas de crouler. C'est bien là un défi capital en ces temps plus moroses et l'apprentissage le plus important que nous avons à faire. Lorsque nous nous plaignons de l'hostilité du temps présent, c'est sans doute que nous avons cessé de compter sur Dieu et perdu de vue qu'il est notre seul trésor. Nous éprouvons la blessure que représente la dépossession que nous sommes entraînés à vivre et nous entrons à reculons dans cette situation que nous n'arrivons pas à épouser, qui est davantage subie que choisie. Victimes d'un mauvais sort, nous ne parvenons pas à être à nouveau acteur dans ce temps qui est le nôtre. Nous traînons notre infortune, mais nous ne trouvons pas le ressort pour nous remettre en marche, ne parvenant pas à imaginer que Dieu puisse nous inviter dans cette situation et faire refleurir le désert. Nous avons mis nos habits de deuil et nous pleurons sur notre sort plutôt que - pour prendre l'expression de Félix Leclerc- de nous retrousser les manches et nous cracher dans les mains.

Je suis souvent perplexe en présence de certaines réactions où tout se passe comme s'il n'y avait plus rien à faire, hormis accepter de mourir. Démobilisé, on abandonne le combat. L'apathie nous guette lorsque l'on pense qu'il n'y a plus rien à tenter, rien à risquer. D'avance, on a décidé que rien n'était désormais possible dans cette situation là . Comme si, ayant pêché toute la nuit sans rien prendre, rien ne pouvait nous décider à jeter à nouveau nos filets. Je rencontre de telles réactions devant les défis du temps présent et, au moment où notre Église doit prendre le tournant catéchétique, on est porté à jeter l'éponge plutôt que de se redresser. Pour utliser une formule paradoxale, je dirais qu'il va finir par faire son deuil de la mort de l'Église et choisir de vivre plutôt que de consentir à se laisser mourir.

La question de savoir s'il est trop tard pour l'Église n'est pas pour moi très importante et est de loin la moins intéressante. De mon point de vue, il n'est jamais trop tard pour Dieu et avec Dieu, les Ninivites nous le soufflent à l'oreille à chaque Carême. L'Écriture nous apprend aussi qu'il y a urgence, qu'on ne peut pas reporter à demain notre conversion. Si elle nous apprend qu Dieu est longanime et qu'il est toujours prêt à consentir à un nouveau délai de grâces, elle dit aussi que les temps sont accomplis, que "c'est maintenant le moment favorable" que c'est aujourd'hui le jour du salut" (2Co 6,2). Une certitude : si nous ne nous convertissons pas, nous périrons tous. Ces mots ne s'adressent pas seulement à des individus, mais au peuple de Dieu qu'est l'Église. Comme Église de Montréal, réformer nos moeurs signifie, en plus d'un engagement renouvelé et plus fervent à la suite du Christ, abandonner certaines pratiques qui ont vieilli ou qui ne correspondent plus à la nouveauté dela situation présente, consentir à de nouvelles voies et oser, dans la confiance en Dieu et en son Esprit, imaginer du neuf plutôt que de vouloir recycler le passé.

Le temps n'est pas donc à la fuite, mais à la conversion. Le temps n'est pas à la distraction, mais à l'action. Il y a urgence. Aujourd'hui, c'est le moment favorable, c'est le jour du salut. Aujourd'hui n'est pas le jour défaite, du retrait en désordre, de la lente croissance, mais le jour du salut. Certes, pour parvenir à une telle vision des choses, il faut dépasser la seule considération des statistiques et cesser de compter le nombre de pertes. Il ne s'agit pas d'être simplement des gestionnaires, les yeux rivés sur des chiffres, mais être des prophètes. Certes, il ne s'agit pas de faire de la naïveté, de prendre à la légère les indices d'une décroissance réelle. Il faut prendre la mesure de la situation et être suffisamment réaliste pour regarder qu'il est bien de regarder la réalité en face, sans maquillage. Beaucoup de nos façades ne pourront pas tenir, ce n'est pas l'Église qui sera détruite, anéantie, perdue, écroulée. C'est bien ce qu'on doit apprendre de nos Pères : la perte du temple, en exil, me signifiait pas que Dieu n'était plus avec eux, qu'il les avait laissé tomber. Le rôle des prophètes a consisté à leur donner un autre lecture de la situation, une intelligence différente - intelligence qui ne leur offrait pas le sens commun - de leur situation historique. L'exil n'était pas le prélude à la mort et ce n'était pas le moment de céder à son instinct de mort, recroquevillé sur soi-même, mais n temps de conversion, un temps où il faut se livrer à Dieu qui nous prépare un avenir.

De même, notre temps, temps de purification et de dépossession s'il en est, n'est pas un long prélude annonciateur de la fin à venir. Il ne s'agit pas de s'apitoyer sur son sort, de "gratter constamment nos bobos" - comme on dit dans le langage populaire- de se complaire dans la morosité, mais c'est un temps où il faut se livrer à l'Esprit de Dieu. Il faut comprendre notre temps comme cet "aujourd'hui" qui est jour de salut, cet aujourd'hui qui est moment favorable. Vivre son temps en le subissant, comme des exilés déprimés, n'arrange rien et notre plus grand défi, aujourd'hui, est de sortir de la dépression qui nous envahit et de retrouver notre capacité à agir. Pour cela trois attitudes s'imposent :

a- Ne pas passer notre temps à regretter le passé et à entretenir la nostalgie.

b- Consentir à des pertes, ne pas s'accrocher à nos façades et épouser joyeusement une certaine pauvreté : pauvreté de moyens, certes, mais pauvreté aussi de reconnaissance sociale.

c- Croire que tout n'est pas fini, que quelque chose est possible et, pour cela, oser entreprendre, lancer les filets sans se lasser.

Il ne faut donc pas adopter le réflexe de Jonas qui ne voit que les apparences, l'extériorité des choses et qui n'arrive pas à imaginer que quelque chose est possible à Ninive. Au-delà du manifesté apparent, il y avait à Ninive une disponibilité à la conversion qu'il lui fallait saisir et il y a , aujourd'hui, une disponibilité à accueillir l'Évangile, à condition qu'il soit joyeux, dépouillé, libre et qu'on se laisse déranger dans nos habitudes.

Aujourd'hui, l'Église ne vit que là où elle a des projets, que là où elle ose, que là où elle est capable d'innover avec audace. Cela devrait nous instruire et nous devrions en tirer leçon. Autrement, elle est hantée par sa fin et ce climat de morbidité n'a rien de bien attirant. L'immense défi que représente le tournant catéchétique que nous sommes appelés à vivre représente un véritable test. Ici, il a redonné vie et souffle à des paroisses, là il a été vécu comme un fardeau écrasant, une autre chose à faire de plus. Il a fini par épuiser toutes les forces restantes plutôt que de donner une nouvelle vigueur et un nouveau souffle à une paroisse qui avait besoin d'être mobilisée par un projet qui la tournerait vers l'avenir.

On pourra bien se plaindre ou rêver d'un temps meilleur, mais cela ne contribuera en rien à changer la situation actuelle. Il n'y a pas plusieurs voies d'avenir. Il ne me semble n'en avoir qu'une : accepter avec courage le temps présent, relever les défis particuliers qu'il nous propose, ne pas baisser les bras comme s'il ne restait plus qu'à mourir.

Toutefois, cette critique du temps présent n'entraîne pourtant pas un dédain ou un mépris du temps présent. On ne peut pas échapper à son temps et les chrétiens ne vivent pas dans la nostalgie du temps passé et ils ne sont pas des outres pleines d'amertume en présence du temps présent. La fuite ne peut être une solution et jamais elle ne représentera une manière d'habiter le temps présent.

Accueillir la nouveauté du temps présent

Jonas en eut un grand dépit, et il se fâcha. Il fit une prière à Yahvé : "Ah! Yahvé, dit-il, n'est-ce point là ce que je disais lorsque j'étais encore dans mon pays ? C'est pourquoi je m'étais d'abord enfui à Tarsis; je savais en effet que tu es un Dieu de pitié et de tendresse, lent à la colère, riche en grâce et te repentant du mal. Maintenant, Yahvé, prends donc ma vie, car mieux vaut pour moi de mourir que de vivre".

"Se réconcilier avec son temps", cela veut aussi dire accueillir la nouveauté du temps présent, sans se conduire en boudeur lorsque, ce qui surgit, n'est pas le fruit de nos propres plans ou ne correspond pas exactement à ce que l'on aurait souhaité. Il n'y a pas que Jonas qui éprouve du dépit en présence de conversions qu'il n'avait pas anticipé. Nous n'arrivons pas facilement à accueillir les nouvelles pousses qui échappent à notre contrôle et ne reproduisent pas exactement les plan que nous avions esquissé sur la planche à dessin : communautés nouvelles et mouvements, etc. Depuis le renouveau charismatique des années 1970, nous avons souvent pris une attitude boudeuse par rapport à ces nouveautés qui n'avaient pas été programmées et qui ne sortaient pas des chaînes de montage officielles.

De mon point de vue, la première opposition à la réforme liturgique concoctée par une "élite" - et en même temps une de ses réceptions la plus originale - est située au début des années 1970. Cette opposition ne vient pas de la nébuleuse traditionaliste qui prend alors consistance, mais du mouvement charismatique, là où on ne l'attendait pas. Cette réception et au centre, comme le faisait la Constitution sur la liturgie, l'Écriture et la participation active des fidèles et, en particulier des laïcs, ce qui représente une protestation contre le nouveau clergé. Elle développe également une forme plus fraternelle de l'Église comme assemblée du peuple de Dieu. Cette réception, que ne s'élabore pas dans les officines officielles n'est toutefois pas promue par les experts en liturgie même si elle réussit à renouer les fils avec les formes populaires d'expression chrétienne préconcilaire, mais en les reprenant sous certaines formes mises en avant par le concile. Alors que la réforme montre d'évidents signes d'essoufflement et de déclin au début des années 1970, une nouveauté apparaît, bien en phase avec son temps. Mais, on a boudé cette nouveauté qui désinstallait et, de cela, on ne dit mot dans le rapport Dumont, car personne ne l,a vu venir et personne n'a désiré cet enfant qui n'était pas planifié ou programmé.

La nouvelle élite et la nouvelle classe d'experts qui prennent les commandes au lendemain de Vatican II ont fini par confondre leurs propres aspirations avec les aspirations de l'ensemble des fidèles. A défaut d'une étude plus fouillée de ce dossier, je veux au moins formuler une hypothèse qu'il faut toutefois se garder de prendre pour une conclusion. N'assiste-t-on pas, au moment de la réception de Sacramentum concilium, comme cela est le cas au moment de la Révolution tranquille, à l'apparition d'une nouvelle classe qui finira par considérer ses propres conceptions ou ses propres aspirations comme étant les aspirations communes des fidèles, si bien que la lecture de Sacramentum conciluum se fera à travers les lunettes déformantes de cette nouvelle élite que les historiens désigneront bientôt comme "nantis" ou les "parvenus" de la Révolution tranquille, une nouvelle intelligenza composée des membres des professions libérales appartenant à la classe moyenne supérieure. Des études, similaires à celles menées au Québec sur l'émergence d'une nouvelle classe sociale, motrice de la Révolution tranquille, mériteraient d'être poursuivies.

Aujourd'hui encore, omnibulés par nos manières de voir et de penser les choses, nous passons parfois à côté - en les foulant du pied à l'occasion - de pousses que nous ne voulons pas voir. Il y a pourtant des nouveautés qui voient le jour, mais trop souvent, à la manière de Jonas, nous boudons. Tout ce que j'ai entendu au cours des dernières années sur les nouveaux mouvements ecclésiaux, les communautés nouvelles, les initiatives pastorales en direction des jeunes me laissent songeur quant à discerner le don de Dieu dans ces phénomènes dérangeants, certes pas exempts de scories et d'épines, mais aussi porteurs de l'Évangile. Il faut bien me comprendre : je ne plaide pas en faveur d'un accueil sans discernement et sans regard critique. Tout mérite d'être passé au tamis et éprouvé. Ce n'est toutefois pas en marginalisant ces groupes et mouvements, dont les orientations spirituelles ne sont pas toujours identiques aux miennes que l'on construit quelque chose.

Je pense aussi à une discussion que j'avais récemment avec une animatrice de pastorale qui rejetait en principe la possibilité d'accueillir des prêtres de l'étranger. Je ne peux envisager que cela devienne une panacée et je m'oppose à ce que l'on prétende qu'il s'agit là d'une solution. Bien au contraire. Les problèmes qui sont à l'origine du manque de ministres ordonnés en Occident ne doivent pas être balayés sous le tapis. Au contraire, il faut - à tous les niveaux - les envisager lucidement et avec courage, ce qui fait souvent défaut. Ceci dit, je ne peux concevoir une Église qui se replie frileusement sur elle-même, qui refuse d'accueillir l'autre qui nous dérangera, arrivera avec d'autres manières de faire et de penser, etc. L'Évangile serait encore à Jérusalem ou en Samarie si l'on avait pas accepté qu'il soit porté en dehors de ses frontières par des missionnaires venus de l'étranger.

Pour ajouter encore aux exemples qui me viennent à l'esprit : au mois de décembre dernier, le service de pastorale jeunesse et des vocations de notre diocèse a invité le paroisses à remettre une carte de voeu à tous les jeunes qui venaient célébrer Noël, les invitant, s'ils le voulaient, à s'inscrire à un réseau de jeunes en formation dans notre diocèse. Cette initiative a rencontré bien des résistances, d'abord chez les vicaires épiscopaux, ensuite dans les paroisses urbanisées de la ville de Québec. On a boycott l'initiative. Paradoxalement, c'est dans les paroisses les plus dépourvues - là où le travail reposait souvent sur des bénévoles et où les équipes pastorales étaient les moins nombreuses - que le projet a connu le plus grand succès. J'allais dire, depuis la visite du pape en 1984, on s'est installé dans une attitude boudeuse et on ne réussit plus à en sortir.

Nous n'avons pas à engendrer des chrétiens, i.e. à nous assurer qu'il y ait des survivants, mais nous avons à renaître comme l'Église, à renaître comme le peuple de Dieu, c'est-à-dire à nous laisser remettre en mouvement par des nouveaux chrétiens qui viendront perturber notre tranquilité. D'ailleurs, une chose ne va pas sans l'autre. Nous n'engendrons jamais de nouveaux chrétiens si nous ne sommes pas disposés à renaître comme Église.

Personnellement, je pense à l'avenir de notre Églie quand je contemple quelques pousses qui, avec la grâce de Dieu, traverseront cette période de grand fracas qu'accompagnera la chute de bien des choses que nous avion pensé solides. Lorsque je regarde ce qui se fait actuellement sur le Plateau de Sainte-Foy dans le domaine de l'initiation chrétienne, lorsque j'observe ce qui se passe sur la Rive-Sud avec les jeunes dans le domaine de la catéchèse, lorsque je contemple ce qui veut se mettre ne marche dans Charlevoix, je nepeux qu'espérer. Je pourrais ajouter des exemples, pris aux diocèse de Trois-Rivières et Nicolet. C'est cela qui peut faire vivre. Regardez, du neuf apparaît, ne le voyez-vous pas ?

C'est là également une fonction du prophète : discerner les signes du Royaume qui, sans tapage, vient parmi nous. On pourrait adapter l'adage qui dit qu'un arbre qui pousse fait moins de bruit qu'une forêt qui tombe et dire de ces nouvelles pousses qui naissent font moins de fracas que toutes les façades qui vont s'écrouler et elles seront nombreuses. Il nous faudra avoir une foi enracinée dans l'essentiel pour ne pas être effrayé par cet écroulement d'une maison que l'on avait cru solide. Il nous faudra plus de foi encore pour penser que quelque chose est encore possible après un tel effondrement. Il nous faudra enfin beaucoup de discernement pour ne pas croire que cet effondrement correspond à la fin de l'Église, mais à l'une de ses figures et beaucoup de clairvoyance pour entrevoir, au milieu de ces ruines, une autre manière d'être, dans ce monde, l'Église de Dieu, un peuple d'Évangile.

La tradition enseigne encore qu'il est toujours présomptueux ou orgueilleux de se dénombrer, de se recenser ou de se compter (cf. 2Sam 24). C'est penser alors l'avenir de l'Église à partir de ses propres moyens, de ses propres forces, alors que cet avenir nous est aussi donné. Il ne faut imaginer l'avenir de l'Église les yeux rivés sur les statistiques de croissance ou de décroissance, en observant tomber les uns après les autres toutes ces façades qui avaient fait notre orgueil. Après tout, c'est en Dieu que nous mettons notre espérance et non pas en ces choses qui ne peuvent que vieillir.

"Se réconcilier avec son temps"

"Se réconcilier avec son temps", c'est donc bien autre chose que de céder à l'esprit du temps. "Se réconcilier avec son temps" ne peut jamais signifier, pour l'Église de souscrire à toutes les modes ou de faire des compromis avec l'esprit du Temps. Bien au contraire. Je pense que les chrétiens seront toujours, en finale, des personnes en rupture avec leur temps et le plus grand honneur que rendent les cultures à l'Évangile, c'est de lui résister.

En effet, les chrétiens se sont souvent présentés comme des hommes d'avenir, attendant le Royaume qui vient. Ils sont tournés vers ces temps nouveaux. Ils guettent l'aube, sont tournés vers le matin. Dommage que, très souvent, ils aient vécus comme des gens du passé, non parce qu'ils vivaient dans la mémoire des bienfaits de Dieu répétés de génération en génération (les chrétiens sont des gens de mémoire, se rappelant la fidélité de Dieu envers leurs Pères) , mais plus simplement parce que mal à l'aise dans le temps présent, ils ont cultivé la nostalgie, considérant le passé comme le temps par excellence. Les chrétiens sont des disciples de Dieu qui vient.



2004-04-01

Se réconcilier avec l'Église 

Conférence par l'abbé Pierre Léger, en l'Unité pastorale Côte-des-Neiges Mont-Royal, mercredi le 01 avril 2003.


Ce soir, nous allons réfléchir sur le thème suivant : se réconcilier avec l'Église. J'aimerais partager avec vous une courte prière empruntée à un évêque français. Cette prière s'intitule : Faire l'Église du Christ. J'aime d'abord le titre de cette prière : il s'agit bien de "faire", ce qui veut dire que si l'Église nous est d'abord donnée, parce qu'elle est née du mystère du Christ mort et ressuscité et, aussi, du don de l'Esprit-Saint. Elle dépend en partie et non moins réellement de nous, de chacun et chacune de nous. Elle est don et mission, responsabilité, engagement. Nous donnons pour ainsi dire "visage" à notre Église ! Écoutons cette prière :

"Nous aimons notre Eglise avec ses limites et ses richesses, c'est notre Mère. C'est pourquoi nous la respectons, tout en rêvant qu'elle soit toujours belle :

Une Eglise où il fait bon vivre, où l'on peut respirer, dire ce que l'on pense, une Eglise de liberté.

Une Eglise qui écoute avant de parler, qui accueille avant de juger, qui pardonne sans vouloir condamner, qui annonce plutôt que de dénoncer. Une Eglise de miséricorde.

Une Eglise où le plus simple des frères comprendra ce que l'autre dira, où le plus savant des chefs saura qu'il ne sait pas, où tout le peuple se manifestera. Une Eglise de sagesse.

Une Eglise où l'Esprit Saint pourra s'inviter parce que tout n'aura pas été prévu, réglé et décidé à l'avance. Une Eglise ouverte.

Une Eglise où l'audace de faire du neuf sera plus forte que l'habitude de faire comme avant.

Une Eglise où l'on pourra prier dans sa langue, s'exprimer dans sa culture, et exister avec son histoire.

Une Eglise dont le peuple dira non pas "Voyez comme ils sont organisés" mais "Voyez comme ils s'aiment".

Eglise de Saint-Denis, Eglise des banlieues, des rues et des cités, tu es encore petite, mais tu avances. Tu es encore fragile, mais tu espères. Lève la tête et regarde: le Seigneur est avec toi."

Faire l'Eglise du Christ (9 octobre 93), de Guy Deroubaix, évêque de Saint Denis décédé en janvier 1996.

Je pourrais me permettre de résumer ce texte fort, dérangeant et prophétique par cette affirmation : ce que Dieu veut faire pour nous, il refuse de le faire SANS NOUS ! Voilà; tout est dit mais aussi tout reste à faire !

Se réconcilier avec l'Église, cela peut vouloir dire se réconcilier avec une Église qui nous a blessés par certains de ses membres, par certaines de ses attitudes. Accepter de pardonner à une Église, certes appelée à la sainteté, mais composée de personnes pécheresses, dont nous sommes ! Ce travail de réconciliation n'est pas toujours facile ; il prend du temps et souvent il laisse de profondes blessures que seule la douce médecine de l'Esprit Saint peut adoucir et guérir. Lors du jubilé de l'an 2000, l'évêque de Rome a eu le courage de demander pardon pour les fautes commises par des membres de l'Église, fautes qui ont souillé le visage de cette Église, épouse du Christ.

Le pape a appelé ce pardon "une purification du coeur". J'aime beaucoup cette expression, car elle rejoint des attitudes que l'on retrouve dans les exhortations des grands prophètes du Premier Testament : Isaïe, Jérémie, Osée. Le passé ne nous appartient plus; il appartient à Dieu. C'est ce que nous retrouvions dans la Parole de Dieu de dimanche dernier : la femme adultère, Paul le persécuteur et le peuple d'Israël sont libérés d'un passé d'erreurs pour regarder le présent et l'avenir dans la liberté et la vérité retrouvées. Écoutons l'apôtre Paul : "Une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l'avant, je cours vers le but pour remporter le prix". Cette attitude d'ouverture quant à l'avenir rejoint ce que le Seigneur dit par la bouche d'Isaïe : "Ne vous souvenez plus d'autrefois, ne songez plus au passé. Voici que je fais un monde nouveau : il germe déjà, ne le voyez-vous pas ?"

Il y a pourtant une autre manière de comprendre le thème de notre réflexion : se réconcilier avec l'Église, c'est-à-dire notre Église d'aujourd'hui, celle qui a pris figure lors du Concile Vatican II, la grande pentecôte du 20e siècle, celle qui essaie de prendre forme dans nos Églises diocésaines et dans nos nouvelles unités pastorales, celle qui se frais un chemin dans nos propres vies. Cette réconciliation est nécessaire et urgente et elle exige de nous une première conversion : celle de laisser mourir ce qui doit mourir, avec la volonté ferme de ne pas céder aux mirages du passé comme si le passé avait été parfait, comme si l'Église n'avait pas progresser dans sa prise de conscience d'elle-même, de sa mission, d'une meilleure connaissance du monde dans lequel elle est et au service duquel elle est envoyée. Pour certains, le Concile aurait été une immense erreur, une parenthèse dans l'histoire de l'Église. L'enthousiasme qui avait accompagné la décision du pape Jean d'ouvrir les portes et les fenêtres pour permettre au Souffle de Dieu, l'Esprit, de faire lever la poussière en vue de l'aggiornamento, s'est transformé, peu à peu, en une nostalgie du passé, en une paralysie de nos efforts de renouveau, en une sorte de morosité. Pourtant Jésus n'a-t-il pas dit "A vin nouveau, outres nouvelles!"


Laisser mourir ce qui doit mourir, c'est une manière pour notre Église de comprendre qu'elle est appelée, elle aussi et comme tous les membres qui la composent, à vivre un passage, une Pâque à la suite de son Maître, le Christ. S'il est vrai que le disciple n'est pas plus grand que le Maître, que le disciple doit porter sa croix et marcher dans le pas de Jésus, il est aussi vrai que l'Église doit vivre sa Pâque, accepter de mourir et de laisser mourir pour vivre d'une autre manière. C'est, selon moi, ce que nous vivons présentement et que nous oublions trop souvent. Se cramponner au passé peut signifier un refus et une peur de suivre Jésus, ce qui nous rend aveugles à ce qui se fait de neuf et qui est promesse de renouveau bien que la petitesse des commencements : Qui sème dans les larmes moissonne dans la joie. Il s'en va, il s'en va en pleurant, il jette la semence; il s'en vient, il s'en vient dans la joie, il rapporte les gerbes." Le mystère pascal marque toute l'aventure chrétienne, l'aventure de la foi. L'oublier, c'est croire que nos belles stratégies pastorales, nos comités de toutes sortes et qui déjà sont légions, vont trouver la recette miracle pour faire naître des disciples ! Une manière d'être chrétienne, chrétien est entrain de mourir avec la disparition de toute une génération. Il ne sert à rien de le regretter !

Se réconcilier avec l'Église peut vouloir dire accepter de vivre l'humilité des serviteurs qui se prennent pour ce qu'ils sont, c'est-à-dire des serviteurs quelconques, qui ne sont que des serviteurs et qui ont à laisser le Maître agir ! Plus facile à dire qu'à faire ! Jésus a des chemins qui ne sont connus que de Lui et notre Église doit accepter que la foi ne s'impose pas, que la foi est un appel et une réponse, que si Dieu nous tend inlassablement la main, chaque personne est libre de lui tendre la sienne. Cela se vit dans nos familles et souvent de manière douloureuse ! De plus en plus, nous réalisons que la foi ne va pas de soi; que si l'Église a reçu la mission d'annoncer le mystère du Christ qui est sa raison d'exister, il ne lui Appartient pas de répondre à la place de la libre réponse des autres ! Voilà comment je comprends cette humilité qui doit marquer la mission de l'Église. Il est vrai que le Christ ne sera jamais connu si personne ne l'annonce; mais il est aussi vrai que c'est dans la conscience de chaque personne que prend forme le beau risque de la foi !

Se réconcilier avec l'Église, c'est aussi redécouvrir que l'Église n'est pas d'abord, uniquement et surtout une institution à faire fonctionner et à organiser; elle est d'abord mystère, sacrement, signe et moyen de l'union avec Dieu et de l'unité entre nous tous. Voilà certes l'une des grandes redécouvertes du Concile Vatican II et qui est susceptible d'inspirer une vision de l'Église qui semble manquer. L'Église est mystère de communion, elle est communion; à nous maintenant d'organiser la vie en Église pour que celle-ci apparaisse comme une nouvelle manière de vivre ensemble qui plonge ses racines dans le mystère de la Trinité. Beaucoup pensent, et avec raison, que notre Église manque de vision : en voilà pourtant une, puisée au coeur-même du mystère de Dieu, capable d'inspirer un agir pastoral, un réaménagement de nos structures (les politiciens parleraient ici de réingénérie !!) Qui soit autre chose que du réusinage, de faire en plus gros ce qu'on faisait déjà en plus petit ! Le malheur , c'est que les mots s'usent vite et que nous avons souvent la démangeaison de la nouveauté ! L'Église-communion n'est pas une mode passagère : elle est la manière d'être, d'exister de l'Église à l'image même du mystère de Dieu, communion inter-personnelle. Je ne pourrai jamais croire que cette Église existe déjà partout et que c'est cette vision qui détermine, colore notre agir pastoral et nos choix.

Une autre réconciliation nécessaire, c'est de continuer à conjuguer l'Église au premier pronom pluriel : le nous ecclésial qui naît des sacrements de l'initiation à a vie chrétienne, le baptême et l'eucharistie. L'Église, peuple de Dieu, semble avoir perdu de son intérêt peut-être parce que nous pensons que c'est déjà de l'acquis ! Il n'en est rien ! Tout repose encore trop sur les épaules des ministres ordonnés, des personnes mandatées et l'une de nos plus grandes pauvretés, c'est non pas le manque de prêtres, mais bien le manque de baptisés dignes de ce nom. Il est rare qu'on y pense ! D'autre part, on peut croire que les autorités dans l'Église ont repris le contrôle de l'ensemble de la vie ecclésiales. Certes on se réclame toujours du Concile et de son esprit, mais nos évêques semblent avoir été domestiqués par certaines autorités romaines (le théologien montréalais, André Naud, osait écrire que nos évêques ont le devoir de parler!) Et les différents synodes diocésains se sont vus rappeler à l'ordre et retirer leur droit de parole sur certains sujets controversés, ceux justement qui préoccuppent le plus un bon nombre de baptisés ! Drôle de manière de prendre au sérieux les enseignements du Concile ! Comme quoi, il y a loin de la coupe aux lèvres ou de la splendide théorie à la mise en pratique. Pourtant n'allons pas croire que seuls l'évêque de Rome et nos évêques ont à se réconcilier avec l'Église du Concile.

Il y a aussi beaucoup de baptisés sont la passivité finit par décourager les plus actifs des pasteurs ;il y a aussi de ces baptisés qui attendent tout du prêtre, du curé, du pasteur, du modérateur-miracle ! Déjà saint Jean Chrysostome exhortait les baptisés de son temps à ne pas laisser aux seuls prêtres le soin de toute l'Église ! Plus ça change, plus c'est pareil ! Le "dites-nous quoi faire, monsieur le curé" n'augure rien de prophétisme dans notre Église et est-il normal qu'une Église ne dérange plus ? Comment les baptisés comprennent-ils la différence qu'implique la foi en Christ ? Et cette "différence" n'est-elle pas susceptible de conduire à la SOURCE celles et ceux qui cherchent ! Ce n'est pas parce qu'on reçoit les sacrements régulièrement, qu'on vit pour autant dans une société chrétienne. Il est par trop évident que le Concile n'a pas encore été complètement reçu, expression un peu technique qui signifie simplement qu'il est loin d'avoir converti notre regard, nos habitudes et nos institutions.

Se réconcilier avec l'Église, c'est aussi reconnaître qu'il y a un réel problème de la foi. La majorité des baptisés disent croire mais ne pas pratique, c'est-à-dire ne pas participer à la célébration de la messe dominicale. Posons-nous donc cette question : sommes-nous certains que ces personne croient ce que la sainte Église croit et enseigne ? Je me permets d'en douter et ce n'est sûrement pas pour rien que notre première priorité diocésaine, à la suite de notre synode, porte sur l'éducation à la foi de 0 à 90 ans ! Que veut dire pour nous, et pour nos communautés chrétiennes, la nécessité d'enfanter, de mettre au monde des croyants, des croyantes, des disciples de Jésus ? Une Église qui n'enfante plus est une Église qui est entrain de disparaître ! Et combien de nos baptisés ont vécu et, par la suite, ont ressenti la nécessité de partager une réelle expérience ecclésiale communautaire ? La communauté est-elle nécessaire à l'authentique expérience chrétienne ?

Voilà, mes amis (es) autant d'aspects de la vie de notre Église qui exigent une conversion, une réconciliation. Je la répète, à la suite du Père Jean-Marie Tillard, o.p., "nous sommes inexorablement les derniers témoins d'une certaine façon d'être chrétien, catholique... Les Églises locales changeront de visage..." Je préciserais : elles changent déjà de visage. Il importe alors de préparer, susciter, accompagner ce qui germe de nouveau et cesser d'essayer de convaincre celles et ceux qui ne le seront jamais ! Notre Église vit un bain décapant. L'Esprit Saint conduit notre Église, nos communautés paroissiales en pleine mutation, vers ce qui fut le petit reste d'Israël. A la manière de Saint-Paul, je nous adresse une dernière exhortation : ne contristons pas l'Esprit ! Dieu ne laissera jamais s'éteindre la lumière qu'en son Fils Jésus-Christ il est venu allumer au sein de l'humanité, a écrit le Père Tillard. Mais cela ne signifie pas que Dieu s'est engagé à conserver à l'Église le style, la manière que nous lui avons connus jusqu'à maintenant ! Il nous faut inventer une nouvelle manière d'actualiser la MÉMOIRE chrétienne sans "jeter le bébé avec l'eau du bain".